Du “Métropolitain” au Grand Paris Express : pourquoi Paris a toujours été à la pointe des infrastructures durables

Des tunnels centenaires aux mégaprojets du Grand Paris, Paris est une inspiration pour toutes les métropoles qui cherchent à bâtir des infrastructures capables de réinventer la ville pour les générations à venir.

Frank Kalman  |  3 septembre 2025

Alors que des millions d’habitants et de touristes arpentent chaque jour les boulevards parisiens, peu nombreux sont ceux qui prennent le temps de faire une pause pour s’intéresser à la ville qui se trouve sous leurs pieds…

A savoir, le métro.

Lancé au début du XXe siècle, celui-ci est toujours l’un des réseaux de transport en commun les plus denses du monde. Mais il est bien plus qu’un simple moyen pour se rendre rapidement de Bastille à Montparnasse. C’est un chef-d’œuvre de génie civil, d’urbanisme et de design. Un design élégant, efficace et cohérent.

Aujourd’hui, un siècle après les débuts du Métropolitain, Paris récidive, avec le Grand Paris Express. Mais la ville voit encore plus grand. Et plus profond. Il s’agit en effet du plus grand projet d’infrastructure de transport en commun en Europe, qui permet à toute la région parisienne de se préparer pour l’avenir.

Un avenir qui prend en compte dès la conception du projet les enjeux d’automatisation, de digitalisation et de durabilité. Si vous êtes architecte, ingénieur, urbaniste ou simplement passionné par le béton et la ville, ce projet ne peut que vous impressionner.

 

Pensé pour l’exposition universelle, il a survécu aux empires

Le métro de Paris a été inauguré en 1900, en même temps que l’Exposition universelle. Il est sorti de terre à une vitesse impressionnante sous la direction de Fulgence Bienvenüe, un ingénieur qui aimait les lignes droites et les délais serrés. La ligne 1, par exemple, a été inaugurée 20 mois seulement après le début des travaux.

Les premières stations ont vu le jour grâce à la méthode de la tranchée couverte, qui consiste à réaliser une large saignée dans la chaussée pour bâtir l’ouvrage à ciel ouvert, puis de recouvrir et de restaurer la voirie en surface dès l’ouvrage terminé. Lorsque les constructeurs du métro ont voulu aller plus loin, ils n’ont pas hésité à faire preuve d’audace : pour la traversée de la Seine par la ligne 4, ils ont utilisé la méthode du fonçage par caissons à air comprimé. Celle-ci consiste à enfoncer progressivement d’énormes caissons étanches dans le lit du fleuve.

Et lorsque les ingénieurs ont rencontré un sol gorgé d’eau aux abords de la station Saint Michel, ils ont carrément gelé le sol pour le stabiliser.

C’était difficile. Totalement nouveau. Et ça a fonctionné.

S’il n’y avait que des tunnels… L’ensemble du réseau a été harmonisé dès les premiers jours. Même largeur de train. Mêmes dimensions pour les gares. Mêmes carreaux de céramique sur les murs – blancs, propres, réfléchissants. Une beauté fonctionnelle. Cette modularité a permis d’accélérer la construction, de faciliter la maintenance et d’éviter le chaos.

 

Quand l’infrastructure raconte une histoire

Parlons maintenant des bouches de métro.

Ces panneaux « Métropolitain » d’un vert éclatant, encadrés de volutes en fer ? Ce sont les chefs-d’œuvre de l’Art nouveau d’Hector Guimard, conçus pour être beaux, produits en masse et résolument parisiens. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui protégés au titre du patrimoine historique.

Mais l’esthétique du métro ne s’arrête pas à la rue. Au fil des ans, le métro est devenu une toile. Pas métaphoriquement. Littéralement.

  • La station Arts et Métiers a été réaménagée en 1994 pour ressembler à un sous-marin de Jules Verne, avec des murs et des hublots en cuivre riveté.
  • À Concorde, le texte de la Déclaration des droits de l’homme est carrelé mur à mur, lettre par lettre.
  • À la station Bastille, une peinture murale en céramique, représentant des scènes de la Révolution française, fait le tour du quai.

Le métro parisien est une infrastructure publique qui raconte également une histoire. C’est suffisamment rare pour être signalé.

 

La densité, un choix

Fait étonnant, le métro de Paris compte 244 stations sur seulement 105 kilomètres carrés !

Cela représente une station tous les 562 mètres, ce qui est loin d’être la norme.

À New York ou à Londres par exemple, vous pouvez marcher 10 à 15 minutes entre deux stations. À Paris, c’est en moyenne cinq minutes. Le système a été conçu non seulement pour déplacer les individus, mais aussi pour couvrir la ville. Ce maillage a eu des impacts considérables sur la pratique de la marche, l’aménagement urbain et la place de la voiture en ville.

En 2019, le métro parisien transportait environ 1,5 milliard de passagers par an, soit environ 4,1 millions par jour. Ce chiffre le place au même niveau que le métro de New York et devant le métro de Londres.

Ce n’est pas un hasard. A partir du moment où vous construisez une infrastructure de proximité, rapide et facile à utiliser, les gens vont l’utiliser. Qui plus est, ils vont construire leur vie en fonction de ces infrastructures.

Les réseaux conditionnent les comportements. Cela a toujours été le cas.

 

Le Grand Paris Express : l’un des plus grands projets urbains du moment

Aujourd’hui, Paris s’est étendu, mais le métro historique a à peine dépassé les frontières du périphérique. Les banlieues sont assez mal desservies, voire déconnectées.

C’est là qu’intervient le Grand Paris Express. Ce mégaprojet vise à ajouter 200 kilomètres de nouvelles voies, 68 nouvelles gares et quatre lignes automatisées entièrement nouvelles. Il s’agit ni plus ni moins que de doubler la taille du réseau de transport en commun.

C’est énorme. Son coût approximatif ? De 35 à 40 milliards d’euros.

C’est aussi un projet intelligent. Le Grand Paris Express s’appuie sur le BIM depuis le début. Chaque tunnel, chaque gare et chaque élément mécanique est modélisé en 3D. Le projet est coordonné par six consortiums de design et d’ingénierie qui utilisent des environnements numériques partagés.

Les équipes de construction qui travaillent sur l’extension creusent également des tunnels à un rythme effréné. Au plus fort de l’activité, plus de 20 tunneliers ont fonctionné en même temps ! Il s’agit de l’une des plus grandes flottes jamais déployées en Europe.

Oh, en plus, tout cela répond aux enjeux de développement durable.

Les équipes réutilisent 70% des 47 millions de tonnes de terre excavée, en acheminant une grande partie par péniche et par rail pour éviter des dizaines de milliers de trajets en camion. Tous les bétons utilisés doivent être des mélanges à faible teneur en carbone, et certaines stations visent une consommation énergétique nette nulle.

D’ici à 2030, 90 % des habitants du Grand Paris vivront à moins de deux kilomètres d’une gare du Grand Paris Express.

Il ne s’agit pas seulement de prolonger des transports en commun. Il s’agit d’une transformation urbaine.

 

Quelles leçons en tirer ?

Que retenir d’un réseau de métro vieux de 125 ans et de son petit frère qui entrera bientôt en service ?

Voici quelques pistes :

  • La standardisation = vitesse + efficacité. Paris l’a fait en 1900 et encore en 2020. Établissez clairement vos spécifications et respectez-les.
  • La densité, ce n’est pas que de l’urbanisme – c’est aussi de l’accessibilité. Des arrêts rapprochés encourageant les usages. Plus de passagers, c’est moins de voitures en circulation.
  • Le design, c’est l’identité. Rendez l’infrastructure belle et les gens en prendront soin.
  • La digitalisation est vitale. Le BIM n’a pas seulement rendu la réalisation du Grand Paris Express plus rapide ; il l’a rendue possible.

 

Réflexion finale

Le métro parisien est bien plus qu’une prouesse technique. Il est le résultat d’une conception audacieuse et d’une planification efficace. Avec le temps, il est devenu un joyau culturel. Le Grand Paris Express s’inscrit aujourd’hui dans cette même lignée, en intégrant en plus les enjeux de digitalisation, de durabilité et d’aménagement urbain.

Dans les deux cas, l’héritage est le même : une infrastructure qui transporte les gens – physiquement, mais aussi émotionnellement.

Car quand on construit quelque chose avec une vision, ça dure. Quand on le construit en beauté, ça compte.

Et quand on le construit comme il faut ?

Ça devient partie intégrante de l’âme de la ville.

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